En 1978, Georges Pérec publiait "Je me souviens", un des titres majeurs de son oeuvre. Le principe: tenter de retrouver un souvenir presque oublié, banal, commun sinon à tous, du moins à beaucoup. Il s'agissait de petits morceaux de quotidiens, de faits minuscules que, telle ou telle année, tous les gens d'un même âge avaient pu voir, vivre, partager et qui ensuite ont disparu, ont été oubliés.

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Je me souviens que mon oncle avait une 11CV immatriculée 7070 RL2.
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Je me souviens de Lester Young au Club Saint-Germain; il portait un complet de soie bleu avec une doublure de soie rouge.
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Je me souviens que je me demandais si l'acteur américain William Bendix était le fils des machines à laver.
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Je me souviens que Colette était membre de l'Académie royale de Belgique.
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Je me souviens que la violoniste Ginette Neveu est morte dans le même avion que Marcel Cerdan.
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Je me souviens que Khrouchtchev a frappé avec sa chaussure la tribune de l'O.N.U.
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Je me souviens que Fidel Castro était avocat.
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Je me souviens que Warren Beatty est le petit frère de Shirley McLaine.
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Je me souviens que Claudia Cardinale est née à Tunis (ou en tout cas en Tunisie).
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Je me souviens que le trompettiste Clifford Brown est mort à vingt ans dans un accident de voiture.
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Je me souviens d'un fromage qui s'appelait "la Vache sérieuse" ("la Vache qui rit" lui a fait un procès et l'a gagné).
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Je me souviens qu'à la fin de la guerre, il y eut une "affaire Petiot" qui ressemblait à l'affaire Landru.
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Je me souviens de Lee Harvey Oswald.
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Je me souviens de la "Pile Wonder ne s'use que si l'on s'en sert".
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Je me souviens que le numéro des "Peugeot" (201, 203, 302, 303, 403, 404, etc.) avait un sens précis, et aussi le numéro des locomotives (par exemple: Pacific 231).
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Georges Perec: Je me souviens. Hachette, 1978.